Archives de catégorie : Articles

Le Nom de Dieu

Le Nom de Dieu

Nous prions le « Notre Père » plusieurs fois par jour, c’est la prière donnée par le Fils  suivant laquelle, nous demandons : « que ton Nom soit sanctifié ». Le « Cantique des cantiques » de Salomon enseigne : « Plus que l’odeur de tes huiles les meilleures, ton Nom est une huile qui s’exhale ». (Ct 1, 3).
On ne peut parler de ce Nom que dans la prière et dans l’adoration au cours desquelles on peut en percevoir quelque peu, la beauté, la cohérence, le sens.

Il est bien entendu que le nom de Dieu n’est pas « Dieu », ni « Père » qui sont des noms communs.
Ce Nom était prononcé selon une tradition vivante une fois par an par le grand-prêtre dans le Saint des saints mais cette tradition a été perdue. Il en reste l’épellation, le  saint Tétragramme, fait de quatre lettres  qui ne font pas nombre mais qui ont du sens. C’est comme si ce nom était fait de quatre mots qui seraient Yod, Hé, Wav, Hé, l’épellation des quatre lettres hébraïques.


Ce Nom est une Révélation, il en est parlé dans toute l’Ecriture et il est possible d’en explorer le sens en épelant le saint Tétragramme.

 Vient d’abord la lettre yod,

la dixième lettre de l’alphabet hébraïque qui évoque la main : yad. La main réfère à l’image de la main humaine et à sa signification symbolique. Elle est la dixième de l’alphabet mais le comptage sacré, avec son décalage de trois, lui donne la valeur treize.  

Il faut regarder et comprendre ce que représentent la figure et le type de la main humaine pour trouver ce qu’elle pourrait signifier dans la divinité et en voir la ressemblance analogique. La main nous sert dans presque toutes nos actions. Cela nous conduit à considérer toute la gestuelle humaine comme un reflet mimétique des formes du monde puisque nous agissons avec les mains, au travail, à la maison, partout où nous sommes et que nous agissons pour transformer ce qui est : laver une assiette sale ou planter un clou. Avec la main, nous sommes à la racine analogique de l’acte. C’est une forme d’appropriation, comme une espèce d’appréhension ou de compréhension. L’analogie du vocabulaire est là pour le souligner. 

La première lettre du Nom de Dieu supporte analogiquement l’appréhension, la compréhension et l’action que l’on vient de citer. Quand nous parlons d’un agir divin, c’est lié à cela. Nous voyons d’abord cet agir sous l’espèce de la création à laquelle nous n’assistons pas, mais nous en voyons le résultat. En outre nous pouvons assister au gouvernement divin dans le monde. En effet, il y a un acte de création et un acte de gouvernement qui sont deux actes différents.
Il y a gouvernement dans le monde parce que tout n’est pas déterminé. En effet si le monde était un système déterministe, tout événement serait contenu dans sa cause.  

Or nous pouvons constater avec bonheur que tout ne répond pas à des lois dans le monde et qu’il existe du hasard, de l’aléatoire, du non-ordre, dans les événements qui adviennent. Cela porte à nous donner une capacité de gouvernement.
Gouverner, c’est utiliser les lois et l’aléatoire pour imposer une détermination qui ne se trouvait pas dans le monde.

Nous les hommes, pouvons-nous emparer de cette propriété du monde et gouverner quelque chose. Il n’y a qu’à voir, par exemple, le jardinier qui récolte beaucoup  parce qu’il ne laisse pas les graines tomber à terre. Il organise son travail, sème les graines et met un ordre dans la culture naturelle. L’homme ajoute aux données initiales du monde, un ordre local dans un petit domaine, un ordre qui n’y était pas. On peut penser aussi au bateau dirigé par le marin et non laissé à l’aléatoire des vents et des marées.

Gouverner, c’est avoir la volonté de mettre de l’ordre où il n’y n’en avait pas. C’est bien parce qu’il n’y avait pas d’ordre que nous pouvons en ajouter et gouverner. Un système politique qui n’aurait que des lois bien faites et irréformables ne permettrait aucun gouvernement.
Pour cela il faut la volonté de gouverner. La volonté ne relève ni de la loi ni de l’aléatoire mais de la liberté. Quelqu’un, en utilisant les lois, peut vouloir un ordre qui n’existe pas mais cette volonté n’est pas déterminée par les lois, elle y est conditionnée dans son application.

Nous pouvons constater qu’il y a aussi de l’aléatoire au niveau de notre esprit et qu’il faudrait y gouverner. Tous les actes qui requièrent de l’intelligence et qui se servent de l’aléatoire et des lois du monde s’appellent gouverner.
Si l’homme peut le faire, tous ceux qui sont munis d’intelligence et de volonté peuvent le faire d’où l’on peut déduire  qu’il y a au moins trois types de gouvernements dans le monde :

–              Le gouvernement des hommes, qu’ils apprennent avec leurs mains, car c’est elles qui prennent les graines et les sèment, qui passent à l’acte et agissent sur l’aléatoire du monde. Il y a de bons et de mauvais gouvernements. Un animal ne gouverne pas parce qu’il n’est pas capable de volonté. Il est lié à l’aléatoire et programmé par ses instincts, ses hormones, les odeurs ou un dressage.  

–              Le gouvernement des anges qui ont eux aussi une intelligence et une volonté. Comme nous savons qu’il y a des anges bons et des anges mauvais, nous sommes sûrs qu’il y a une guerre au niveau du gouvernement angélique.  

–              Le gouvernement de Dieu en qui on ne peut pas ne pas supposer intelligence et volonté. Nous voilà face à trois gouvernements possibles.

D’une certaine façon, les êtres intelligents et volontaires ne peuvent pas ne pas gouverner. C’est leur être propre de le faire. Il peut y avoir un conflit ou un accord, une harmonie ou la guerre, puisque les gouvernements peuvent s’accorder ou s’opposer entre eux.

Nous ne sommes pas uniquement des spectateurs mais des co-acteurs la plupart du temps dans un inconscient profond. Nous tombons en esclavage, mus par une volonté-intelligence autre que la nôtre, c’est d’ailleurs le propre de l’esclavage. Tant que l’homme n’est pas conscient de la présence des anges et des démons, il ne peut pratiquement qu’être esclave.
Le gouvernement des bons anges est a priori en harmonie avec le gouvernement divin et le gouvernement des démons est a priori contraire au gouvernement divin.

Le gouvernement de l’homme entre en conjonction avec les autres gouvernements et tant que l’homme ignore le gouvernement des anges, c’est une oie blanche qui se laisse manipuler. De la même façon, tant qu’il ignore qu’il y a le gouvernement de Dieu, il ne peut pas y accorder son propre gouvernement.

Cependant le gouvernement est l’usage de l’intelligence et de la volonté, donc les personnes munies de gouvernement, les hommes, les anges, et Dieu, ont cette faculté qui est le résultat de la création telle que Dieu l’a voulue.

S’il y a de l’aléatoire et de la loi dans le monde, c’est Dieu qui le veut dans son acte de création et s’il a voulu cette création ainsi, c’est qu’il veut aussi et en même temps, d’un seul acte, le gouvernement des anges et le gouvernement des hommes.

La première lettre du Nom de Dieu nous mène à des considérations capitales qui nous conduisent immédiatement à une certaine compréhension de la prière que le Fils nous propose de faire :

Notre Père …. que ta volonté soit faite
Il s’agit là du gouvernement divin, et de la compréhension profonde qu’il se pourrait qu’il y ait des conflits entre les gouvernements divin, angélique et humain. Nous demandons donc comme un bienfait que le gouvernement divin, qui est nécessairement le meilleur, puisse se réaliser.   Nous demandons que le gouvernement de Dieu inspire notre gouvernement de telle façon que sa volonté de bonté puisse être réalisée en nous. Nous remettons une part de notre gouvernement à Dieu puisque nous sommes dans l’incapacité de bien gouverner certaines choses.  

Que ta volonté soit faite (Mt 6, 10) signifie aussi : Donne-moi la force et l’intelligence pour que je puisse gouverner correctement.  L’intelligence veut que nous adhérions à ce qui est vrai.  C’est une insulte à Dieu de ne pas recevoir ses dons et de ne pas gouverner autant que nous le pouvons, selon l’intelligence, la justice, la bonté, la beauté.
Ce que je veux est-il cohérent, harmonieux avec la volonté de Dieu qui veut que je gouverne et ainsi que je lui ressemble ?

Le Nom de Dieu comporte ensuite la lettre Hé,

qui est la cinquième lettre de l’alphabet hébraïque et qui vaut huit (dans la numération sacrée). Ce Hé est la deuxième et la quatrième des lettres du Nom de Dieu et elle apparaît une fois après le Yod et une fois après le Wav.
Hé est la seule lettre de l’alphabet hébraïque qui n’a pas un sens énonçable. C’est un souffle délicat, C’est une image analogique de l’Esprit. 
Le Nom de Dieu nous dit qu’il y a un souffle en Dieu.

Le souffle est notre point d’appui analogique pour comprendre ce souffle en Dieu, la chose la plus subtile qui soit. Hé est un son primitif, une consonne qui est aussi une voyelle et qui va fournir l’image de ce qui est invisible mais audible.
Cela signifie que ce vent, le Hé, est à la naissance du son dont on ne connaît ni l’origine ni la fin mais qui est la matière pour signifier la source du sens. Il faut un souffle impalpable qui lui-même fait vibrer la gorge.
Hé : on appelle cette vibration une aspiration alors qu’elle est une expiration. Ce n’est pas un h aspiré, mais expiré, c’est un souffle forcément, il va vers l’extérieur. Le souffle se fait entendre et procure un son si on fait vibrer quelque chose dans la gorge.

C’est un modèle analogique du souffle divin, ce souffle en Dieu fait sonner quelque chose dans le monde. L’image du vent qui agite les branches est bien trouvée.  En Dieu ce souffle s’exprime analogiquement en faisant sonner autre chose que lui. C’est la création ! La création tout entière va sonner par le souffle divin. Il faut se mettre à l’écoute et dire que tout ce qui se prononce, qui se chante, qui s’entend dans le monde est le fruit de cette présence qui fait sonner les choses.

(Jn 3, 8) » Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. « 

Pour nous le souffle est indiscernable, il se rend discernable par une interaction avec autre chose.

Tout à coup il y a un bruit,  et c’est la création d’un contraste ; il est possible de produire des contrastes dans la création puisque sa structure est celle du contraste. La structure de la réalité créée est une structure quaternaire[1], comme la structure du contraste. L’analogie est facile.

La création supporte et s’exprime dans le contraste. Que va-t-il manifester en Dieu puisqu’il s’agit d’une manifestation de Dieu dans son Nom ? Le Nom de Dieu est pour nous, le nom est fait pour autrui, Dieu n’a pas de nom en lui-même. Le Nom de Dieu est fait pour qu’on puisse l’appeler, l’invoquer, le nommer.

Qui invoque le Nom du Seigneur sera sauvé (Rm 10, 13).

Le Hé est fait pour produire une manifestation divine. Nous devons remarquer l’aspect contrastant que peut avoir la présence du vent qu’on ne voit pas, comme la présence divine dans le monde.

YH. Ces deux premières lettres du Nom montrent qu’il y a en Dieu une puissance de gouvernement et une puissance de manifestation qui se fait connaître. Nous avons besoin de le connaître pour nous gouverner et entrer en accord avec lui. Nous savons par ailleurs que l’Esprit Saint est donateur de tout bien. C’est sous cet aspect de donateur de tout bien que nous pouvons attendre que le Saint Esprit se manifeste dans un certain contraste dans le gouvernement du monde.

Wav, est la lettre suivante,

la sixième lettre de l’alphabet, qui vaut neuf selon le comptage sacré.  La lettre Wav signifie le piquet, le piquet de tente que l’on plante en terre. Il est ce qui fixe provisoirement une tente amovible. On met et on enlève le piquet, cela montre la capacité à la stabilité dans le mouvement.  Il y a un choix, donc il y a du gouvernement dans l’air. C’est une capacité spéciale dans le mouvement de pouvoir s’arrêter où on veut et d’être stable à cet endroit-là ;   le Wav nous conduit vers cette idée analogique de maîtrise du mouvement.   

On sait que le mouvement de l’homme doit être gouverné s’il n’est pas limité par des éléments extérieurs. Le Wav suppose la capacité de bouger mais pas au gré de l’aléatoire ;  on peut arrêter le mouvement, ou le reproduire, ou le continuer et pour cela il faut la maîtrise de l’ago-antagonisme[2]. C’est une loi générale.

Il n’y aurait aucun gouvernement possible s’il n’y avait pas d’ago-antagonisme et il faut supposer un ago-antagonisme analogique en Dieu. Dans la Révélation, nous trouvons des concepts ou des notions ago-antagonistes que nous ne pouvons comprendre si nous ne les repérons pas comme tels. Un exemple est celui de la séparation de deux concepts unis quoique opposés, et qui vont toujours ensemble : les concepts d’intelligence et de sagesse.
Cela fera sans doute un jour l’objet d’un article développé.

En gros, ils sont pour nous comme la droite et la gauche. Une droite seule ne peut pas « prendre » grand-chose, une gauche seule non plus, mais réunies, elles permettent de soulever des choses  qui ne sont ni la droite  ni la gauche. Que permet de saisir la sagesse unie à l’intelligence en un rapport antagoniste ? Il sera bon de le montrer mais pour comprendre la suite il faut entendre que les deux concepts réunis permettent d’accéder à la connaissance.

(Dt 4, 6)  Gardez-les et mettez-les en pratique, (ces lois et ces coutumes) ainsi serez-vous sages et intelligents aux yeux des peuples. Quand ceux-ci auront connaissance de toutes ces lois, ils s’écrieront :  » Il n’y a qu’un peuple sage et intelligent, c’est cette grande nation !  »

Jésus nous dit d’être sage comme la colombe, et avisé comme le serpent. (Mt 10, 16). Nous retrouvons cette dualité, une opposition que nous ressentons plus ou moins, pour entrer dans le royaume des cieux. 

(Jn 17, 3) Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.  

Il faut faire cette saisie. Tout est ordonné à la connaissance du vrai Dieu. C’est donné au terme de l’acte qu’il a fallu poser dans un gouvernement libre, harmonieux avec le gouvernement divin qui nous est proposé dans la Révélation. 

Wav montre cette puissance d’opposition de la sagesse et de l’intelligence dans un acte libre, dans le mouvement qui permet sa réalisation. C’est cela le mouvement et l’arrêt.   C’est un acte, c’est la capacité d’agir. Sans ago-antagonisme, il n’y a pas de capacité d’agir.

De la même façon, au niveau de l’esprit il n’y pas de capacité de comprendre sans ago-antagonisme. Dieu se manifeste à ce niveau dans la sagesse et l’intelligence qui sont ses dons divins, et puisque le Wav fait partie de son nom, il existe en Dieu quelque chose d’analogue à ce mouvement qui permet la réalisation d’un acte libre.
La doctrine de la Sainte Trinité contient cela. C’est plus sensible, plus intelligible dans l’hypostase du Fils, laquelle correspond au Wav, qu’on plante en terre et qui convient pour signifier l’Incarnation.

Ensuite vient un deuxième Hé.

La justification en est l’ordre du nom YHWH. Un Hé suit le yod et un hé suit le wav. Peut-être y a-t-il une émission du souffle spécifiée par le yod et une émission du souffle spécifiée par le wav. Cela rejoint ce qui va être développé plus tard dans la doctrine : le Nom de Dieu est donné dès l’origine, la double procession du Saint Esprit qui procède du Père et du Fils.

    YHWH est le nom révélé à Moïse. Or Moïse est inspiré, il ne pouvait pas ne pas connaître la doctrine, non pas comme nous la connaissons aujourd’hui, mais la doctrine conservée, secrète, car trois fois sacrée. Si nous ne la comprenons pas nous tombons dans le trithéisme, ce qui est hélas arrivé.

Ce qui est aussi pris pour un blasphème suprême qui mérite la mort, c’est que Jésus a révélé la Sainte Trinité dans son enseignement. Ensuite il a fallu des siècles pour formuler le dogme mais il a été cru dès le début. De la même façon on croyait à l’Assomption depuis vingt siècles même si ce dogme n’avait pas été encore énoncé explicitement.
La Sainte Trinité est nommée dans l’Evangile : (Mt 28, 19) Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Jésus a pris le risque que le Nom de Dieu soit massivement blasphémé, or un homme ne peut pas prendre ce risque. Révéler une telle doctrine implique la divinité de celui qui la révèle. La doctrine était connue du temps de Jésus. C’était une science cachée et réservée aux maîtres d’Israël, qui, à force de la cacher, avaient fini par l’oublier. Cela arrive aussi aujourd’hui dans l’Eglise, par manque d’enseignement, et les fidèles finissent par ignorer complétement la doctrine de la Sainte Trinité. 

Si on a le respect du Nom de Dieu, il faut faire comme Jésus et le révéler au peuple quitte à ce qu’il fasse contre-sens sur contre-sens parce que si on n’enseigne pas, le contre-sens est majeur jusqu’à faire un monothéisme intellectuel idolâtrique et une unité à la Platon. Or Dieu n’est pas UN de cette façon-là.

S’il n’y a pas de différence en Dieu, il n’y a pas de Sainte Trinité. C’est à force de ne pas enseigner qu’on fait blasphémer Dieu. La doctrine est difficile, mais il faut l’enseigner, l’enjeu est colossal et terrifiant.

YHWH, ce Nom est trois fois Saint

Toute la doctrine de la Sainte Trinité est contenue en germe dans la signification du Nom que Dieu a révélé à Moïse.

Certains grammairiens ont écrit des pages et des pages sur les variations du verbe être ; c’est une invention des grammairiens, ce n’est pas dans l’Ecriture sainte. On parle aussi de la tradition « yahviste » et de la tradition « élohiste », mais  Il n’y a aucune concurrence entre le nom propre YHWH et le mot Elohim désignant la divinité.

Il faut regarder la signification d’Elohim :  c’est le nom de dieu désignant la divinité, un dieu avec d minuscule. Le pluriel est Elim qui désigne des êtres spirituels. Eloha, est un nom féminin peu employé et on peut copier maître Eckhart qui a traduit : « la déité ».

A ce nom féminin, on donne un pluriel masculin, c’est une procédure régulière en hébreu :  lorsqu’il y a un pluriel masculin d’un nom féminin, ou l’inverse, il s’agit d’une abstraction. Elohim est un nom abstrait qui voudrait dire formellement « les dieux » mais l’abstraction fait qu’on traduit : « la divinité ».

On en a pour preuve que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob dont le nom propre est YHWH, est nommé Dieu des dieux, Seigneur des seigneurs par l’Ecriture même. Cela signifie bien qu’il y a de nombreux dieux, ce qu’on appellerait aujourd’hui des puissances archétypales[3].  Quand on adore un faux dieu, on n’est pas détrompé. Un faux chèque ressemble à un chèque et un faux dieu ressemble à un dieu. Les démons ressemblent à des anges, sinon ils ne tromperaient personne.
Le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs est la divinité ultime.

On voit Elohim en tant que créateur sans connaître son nom, pour le savoir il faut une Révélation spéciale. La divinité crée non pas sous son nom propre, mais c’est sous son nom propre qu’elle se révèle à l’homme. La création précède logiquement la Révélation.  L’usage d’un nom propre intervient quand il y a l’induction d’une relation personnelle entre ce Dieu et son peuple.

(Lv 26, 12) : Je vivrai au milieu de vous, Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple.

Le créateur est anonyme, la création est sa signature. Son nom se révèle dans son gouvernement, un acte spécial dans la Révélation. Le fait de se révéler fait partie du gouvernement divin agissant quand il veut et comme il peut parce qu’il veut des hommes libres, aussi attend-il que le gouvernement de l’homme coïncide avec son désir pour se révéler.

Jésus dit à ses disciples : (Mt 6, 9) : Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui es dans les cieux, que ton nom soit sanctifié.
Dieu n’est-il pas Saint ?  Bien entendu, Dieu est saint mais il faut que son nom soit sanctifié parce qu’il pourrait être blasphémé. Le contraire du blasphème est la sanctification du Nom. Il faut que son Nom soit sanctifié par ceux qui le prononcent, dans leur cœur, dans leur intelligence.

Ecoutons le Sanctus,  le chant des séraphins, révélé par le prophète Isaïe : 

(Is 6, 3) Ils criaient l’un à l’autre ces paroles : Sanctus, sanctus, sanctus est  YHWH, sa gloire emplit toute la terre. Sanctus, Sanctus, Sanctus, Deus sabaot

C’est la Révélation de Dieu à Isaïe dans le Temple. Le latin ne traduit pas Deus sabaot : le Dieu des armées. Dieu est le Dieu des armées célestes qui sont assimilées aux anges.  Les armées sont la figure du désir, la figure de la conservation de l’acte de la vie. Dieu est Elohé sabaot.  

« Saint, Saint, Saint » si nous poursuivons en disant « le Seigneur », cela trahit le nom sacré de YHWH, divinité du désir intime de la Vie. La vie est intimement désir.

(Ap 22, 17) : Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie gratuitement.


[1] Cf. Structure de la connaissance JF Froger et Robert Lutz, Ed. desiris. 2003

[2] L’ago-antagonisme exige deux forces mesurées  contraires et égales, aussi les muscles se contractent et sont retenus tout à la fois. Chaque geste requiert ces deux forces pour arriver au résultat, comme de plier un bras ou de prendre un verre dans la main etc.   

[3] angéliques

Énigme de la pensée : Recension par Marion Duvauchel

L’œuvre de Jean-François Froger est originale et difficile. Si on en doutait, il nous en donne encore une preuve dans ce petit opuscule de moins de deux cent pages, au titre insolite : Enigme de la pensée. Enigme – et non pas mystère -, parce que l’énigme appelle l’enquête rationnelle, la puissance de la raison, et toutes les qualités du détective.

C’est une « somme ». On est donc invité gentiment mais fermement à lire l’ouvrage au moins trois fois. Autant dire qu’on est prévenu : c’est du dense !

La pensée « n’a pas d’âge » : tous les hommes qui ont pensé se sont aussi penchés sur les conditions de leur pensée, se sont interrogés sur la manière dont ils pensent et sur les limites de leur capacité à penser. Autrement dit, Enigme de la pensée s’inscrit dans une longue tradition dont Pascal est l’un des plus beaux fleurons, une tradition d’interrogation sur ce qui fait l’homme, le constitue ; et ce qui le constitue, c’est qu’« il pense ». Il ne peut éviter de se demander comment il pense, et même parfois « pourquoi » il pense. Mais rarement il s’interroge sur ce qui le fait penser.

C’est à cette énigme que l’auteur va s’attacher, en exploitant deux éclairages : celui de la pensée rationnelle qu’on appelle philosophie et celui de la pensée mythique.

En quinze « poursuites », on trouve dans cet ouvrage une nouvelle interprétation des mythes de la Grèce antique qui ont hanté notre épistémè occidentale (Œdipe), une nouvelle herméneutique de notre tradition biblique, une théorie de la parole et du langage, une théorie de la connaissance, une théorie économique (du travail et de la monnaie), les bases d’une anthropologie nouvelle et un éclairage sur les erreurs héritées de notre tradition cartésienne. Vous voyez, c’est beaucoup…

Tout philosophe sait que la pensée suppose un objet de pensée. Et il sait aussi que la pensée peut être son propre objet de pensée. Mais elle ne peut l’être jusqu’au bout – sauf à entrer dans un solipsisme mortel – parce qu’elle a un objet premier, qui la fonde, qui ne peut pas être atteint, mais qui est en quelque sorte le moteur de la pensée. Cette unité du « cogito-cogitor », du je pense et du je suis pensé ne peut plus être pensé consciemment, à cause de ce statut particulier qui est celui de la chute. Nous sommes comme Œdipe aveugle, et pour penser, il nous faut le secours de la raison. Le chemin de la pensée est donc un chemin de tâtonnement et parfois d’errance. Et sur ce chemin, nous faisons des rencontres, à commencer par le corps de l’homme.

C’est le cœur de cet ouvrage : le statut du corps humain, ce corps-temple postulé par la pensée chrétienne et bouddhique. Le corps, lieu de révélation comme en atteste toute notre tradition biblique…

La pensée réflexive choisit de s’approprier ou de rejeter ces objets que nous recevons et qui constituent un « donné », un déjà-là. Mais bien des erreurs proviennent de la première appréhension de ce « comment nous pensons ».

Pour entrer dans une autre « saisie » du monde que celle à laquelle nous sommes habitués, – et qui constitue un enfermement – il faut sortir de ce monde d’idées reçues qui est le nôtre, des héritages de pensée, des fausses sagesses. Comment sortir de ce que Jean-François Froger appelle « la langue maternelle, à peine distincte des obscurités du pathos », autrement dit dans le langage moderne, l’ordre du discours, sous lequel nous sommes le plus souvent ensevelis et dans lequel le statut du corps est un statut animal ?

Le programme est ambitieux et l’enjeu d’apprendre à penser immense : il s’agit d’entrer dans « une langue maternelle humaine et dans la langue paternelle révélée ». Il s’agit de se réapproprier correctement la question du corps et de la pensée (devenues inintelligible depuis le dualisme cartésien). Cela suppose un passage, celui du corps fantasmé au corps réel, c’està-dire au corps comme lieu de révélation. Ce qu’exprime toute la tradition biblique. Sortir de la langue maternelle non humaine constitue le premier effort, la première libération.

Toute l’humanité a construit des temples, qui sont, nous dit l’auteur, « les métaphores architecturales du corps humain », et qui fournissent une « réinstruction collective par des images et des rituels de ce qu’est le corps humain ». Pourquoi ? Parce que nous avons oublié. Nous avons oublié d’abord que nous sommes pensés, et nous avons oublié ce qu’est notre corps. « L’oubli de mon propre corps est le corollaire de l’oubli du fait que je suis pensé » (p. 49).

Ce n’est pas la moindre de ses vertus, Enigme de la pensée nous fait entrer dans le mystère de ce corps « temple de l’Esprit saint », et nous y pénétrons avec la lumière et les outils de la raison, et non plus dans les balbutiements de la théologie ou du catéchisme pastoral.

Ce corps, objet de révélation, est aussi un objet de construction, et c’est précisément le sens du travail. Par le travail l’homme façonne sa propre présence au monde. Voilà qui redonne au mot « travail » un tout autre sens que celui de nos modernes travaux forcés…

Le monde qui nous entoure est intelligible. Dans cette perspective, le temple est construit d’une part comme mémoire de la présence invisible de cette souveraine intelligibilité et d’autre part comme révélation du « cogitor », du fait que je suis pensé. L’éveil de l’homme à lui-même passe par l’éveil à l’intelligibilité du monde qui l’entoure. Mais ce n’est que la première des anamnèses. Pour que la pensée s’exprime, il faut la médiation du langage, qui prend la place des choses et s’y substitue jusqu’à constituer une sorte d’écran qui nous empêche de voir le réel. C’est le sens du mythe de Babel, exposé dans la neuvième poursuite. Babel : le lieu où l’homme prétend à une unité qu’il se donne lui-même au lieu de la recevoir de Dieu ; Babel, le lieu symbolique de la confusion mentale, – encore la nôtre – ; Babel, le lieu où les mots ont remplacé les choses et occultent la réalité sous un voile mental.

Il faut donc s’interroger sur ce que c’est qu’un nom. Et voila la théorie du mot et de la chose : ce qu’est la chose, ce que les philosophes appellent la « quiddité ». Pour résumer drastiquement un exposé déjà concis, la désignation est un geste qui montre la chose et la distingue, la marque. Cette marque « le type », est gravé dans l’homme, (non dans la chose, contrairement à une tradition philosophique largement reconduite). Or, la manière dont Dieu se donne est comme une signature dans les choses et dans l’homme, cette signature est en quelque sorte le « nom de Dieu ».

Autrement dit, le terme de la pensée, c’est Dieu.

Toute la tradition catholique répète à satiété que Dieu nous aime, mais elle ne met que rarement en avant cette simple idée : Dieu nous pense. Je suis pour Dieu un objet de pensée autant qu’un objet d’amour. Non pas un objet de pensée stérile et vain, comme dans notre univers mental, mais un objet de pensée qui me constitue comme être pensant et par conséquent constitue la source de ma pensée comme divine.

Enigme de la pensée est une somme, il est vrai, autrement dit quarante années de patient travail, mais c’est aussi un guide pratique de comment apprendre à penser, ou comment décider librement de ne pas se soumettre aux idées modernes.

Non, nous ne sommes pas les purs produits de notre milieu familial ou social, mais le fruit de l’intelligence et de l’amour divin, de la Pensée de Dieu. Et cette Pensée s’exprime dans une parole. Nous participons, si nous le voulons bien, de cette « Parole » de Dieu, dans l’architecture vivante qu’Il a conçu et voulu.

Mais pour le comprendre il nous faut accepter le lent cheminement de la pensée rationnelle, de ses détours, de ses pauses, de ses haltes, de ses lentes digestions et de ses incertaines et improbables pérégrinations.

Et donc de relire au moins trois fois ces quinze poursuites qui traquent un bien étrange gibier…

______________ ________
PRESENTATION de l’éditeur :
Cet ouvrage se propose d’introduire une nouvelle façon d’étudier l’anthropologie en l’abordant par le thème de « la pensée » qui n’a pas d’âge, car nous sommes là au cœur de ce qui fait l’« Homme », comme le déclarait Blaise Pascal : « Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l’homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. »

La pensée humaine est une énigme pour elle-même : comment « penser la pensée » ? Nous sommes nécessairement juges et parties !

Il se trouve que les hommes ont dit à travers les mythes ce qui ne pouvait pas monter immédiatement à leur conscience explicite, faute d’un développement de la logique. C’est pourquoi ils se sont exprimés de façon énigmatique par des récits mythiques parmi lesquels on trouve aussi des récits à caractère « révélé ». L’intuition mythique s’allie fort bien à un développement récent de la logique quaternaire pour rendre explicite des structures où paraissent des termes habituellement non-dits, comme ceux décrivant les « prototypes » a priori inconnaissables, ou encore les « archétypes » à peine entrevus dans la pensée sur les symboles.

Le Shabbat

Homélie du Fr. Jean-Sébastien, ocd – Vendredi 19 juillet 2024

Mt 12, 1-8

En ce temps-là, un jour de sabbat, Jésus vint à passer à travers les champs de blé, ; ses disciples eurent faim et ils se mirent à arracher des épis et à les manger. Voyant cela, les pharisiens lui dirent : « Voilà que tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire le jour du sabbat ! » Mais il leur dit : « N’avez-vous pas lu ce que fit David, quand il eut faim, lui et ceux qui l’accompagnaient ? Il entra dans la maison de Dieu, et ils mangèrent les pains de l’offrande ; or, ni lui ni les autres n’avaient le droit d’en manger, mais seulement les prêtres. Ou bien encore, n’avez-vous pas lu dans la Loi que le jour du sabbat, les prêtres, dans le Temple, manquent au repos du sabbat sans commettre de faute ? Or, je vous le dis : il y a ici plus grand que le Temple. Si vous aviez compris ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné ceux qui n’ont pas commis de faute. En effet, le Fils de l’homme est maître du sabbat.

Le shabbat est universellement reconnu comme le jour sacré du Judaïsme. L’origine de cette obligation se trouve dans la révélation de Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, comme le décrit le livre de l’Exode[1]. Dans chaque texte, on trouve ce commandement : « Six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage. Et le septième jour est un shabbat pour YHWH ton Dieu ; tu ne feras aucun ouvrage… » (Ex 20, 9 ; Ex 31, 15). On remarque l’insistance sur cette périodisation du temps, qui est à l’origine de notre semaine, basée sur l’exemple de Dieu créant le monde en six jours et se reposant le septième. Il s’agit donc de suivre l’exemple divin.

Pour clore la discussion de ce jour avec les Pharisiens, Jésus affirme : « Le Fils de l’homme est maître du shabbat » (Mt 12, 8)[2]. Saint Grégoire le Grand commente avec assurance : « Nous considérons que la personne de notre Rédempteur, notre Seigneur Jésus Christ, est le vrai shabbat. »[3] (Verum autem shabbatum ipsum redemptorem nostrum Iesum Christum Dominum habemus). En d’autres termes, Jésus incarne pleinement le sens spirituel du shabbat.

Le shabbat est aussi à l’origine du dimanche chrétien. Saint Jean-Paul II le souligne dans sa lettre apostolique Dies Domini, où il traite du passage « Du shabbat au dimanche » : « À la lumière de ce mystère, le sens du précepte vétérotestamentaire sur le jour du Seigneur est repris, intégré et pleinement dévoilé dans la gloire qui brille sur le visage du Christ ressuscité (cf. 2 Co 4, 6). Du “shabbat”, on passe au “premier jour après le shabbat”, du septième jour, au premier jour : le dies Domini devient le dies Christi ! »[4]

Les quatre évangélistes rapportent sept récits[5] où Jésus est contesté par les Pharisiens pour ses actions le jour du shabbat. Jésus enseigne que le shabbat prend tout son sens et se réalise pleinement en lui. Mais qu’est-ce que le shabbat ? Pourquoi Jésus agirait-il en contradiction avec les interdits du shabbat ? Cela semble paradoxal pour un rabbi comme Jésus ! En effet, il sait que le shabbat enseigne sur le monde, la nature humaine et Dieu. Le shabbat est un rituel d’attente de la résurrection des corps.

L’évangile du jour pose la question centrale : pourquoi les disciples de Jésus font-ils ce qui n’est pas permis le jour du shabbat ? La discussion avec les Pharisiens amène Jésus à un raisonnement a fortiori : si David a pu manger des pains sacrés (1 S 21-22), combien plus les disciples peuvent-ils manger des épis le jour du shabbat, car Jésus est plus que David ; il affirme être plus grand que le Temple : « Or, je vous le dis : il y a ici plus grand que le Temple. ». La comparaison avec David souligne la « sainteté » de Jésus et de ses disciples. Jésus est le véritable et unique Grand Prêtre, et sa résurrection le confirme. En citant la Torah, Jésus souligne que les Pharisiens s’appuient sur autre chose que la Torah, expliquant ainsi leur manque d’argumentation. Le problème est de déterminer ce qui est permis ou interdit le jour du shabbat, et quelle autorité peut trancher ces hésitations. La présence de l’esprit impur chassé de l’homme le jour du shabbat à la synagogue (Cf. Mc 1, 21 et Lc 4, 31) offre la clé de la discussion.

La Torah nécessite une interprétation, et c’est là que la « parole étrangère » peut se mélanger avec la parole de Dieu, altérant le principe d’interprétation. Aucun texte de l’Écriture ni de la tradition mishnique ne permet de juger les disciples de Jésus comme fautifs. Les Pharisiens imposent une autorité qu’ils s’attribuent eux-mêmes, tentant d’intimider les gens et d’imposer un pouvoir religieux et social abusif. Jésus ne répond pas à la provocation ; il n’entre pas en discussion avec eux, ce qui serait leur reconnaître un pouvoir. Au contraire, il enseigne une vérité fondamentale sur le shabbat : Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un être libre, créé « à la ressemblance de Dieu », puisse exister ? L’ensemble des actions de Jésus vise à rendre le Shabbat accessible et réel pour tous les hommes. C’est pourquoi Jésus déclare dans ce même épisode rapporté par saint Marc : « Le shabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le shabbat »[6]. Jésus nous enseigne ainsi le Repos de Dieu en l’homme, en définitive comment vivre de la sainteté divine, de la vie divine.

Jésus enseigne que ses disciples, comme les prêtres dans le Temple ou David et ses compagnons, sont consacrés, sont saints. Ils sont les compagnons de l’Oint du Seigneur (le Messie), ayant tout quitté, même l’union avec la femme. Jésus est le Saint de Dieu, comme les prêtres sont « saints » dans le Temple et comme David et ses compagnons le sont avant leur service au Temple ou avant de partir en campagne.

La révélation lie le shabbat et le sanctuaire dans la même révérence : « Vous garderez mes shabbats et vous révérerez mon sanctuaire, Moi (je suis) YHWH. » (Lv 26, 2). Il ne s’agit pas de donner des dispenses, mais d’accéder à la Vie. L’homme saint est celui où la vie de Dieu se communique. Pour que Dieu soit vraiment connu, il faudrait un homme qui soit Dieu, sans confusion ni séparation, incréé en tant que Dieu, créé en tant qu’homme, dans l’unité des deux natures. Cet homme serait l’incarnation du Verbe.

C’est Jésus, selon la foi chrétienne, une foi unique et rationnellement pensable. Toutefois, il faut reconnaître en Jésus cette union des deux « natures », divine et humaine. La manière dont Jésus a vécu le shabbat nous éclaire sur ce mystère. Ainsi, Jésus est bien le maître du Shabbat, car en lui réside la plénitude de la divinité (Cf. Col 2, 9). Amen.

Fr. Jean-Sébastien de Notre-Dame du Sacré-Cœur (Pissot), ocd[7]


[1] Ex 20, 1-17. Nous trouvons dans d’autres textes de l’écriture la nécessité du shabbat Dt 5, 6-21 ; Ex 31,12-17 ; Ex 34, 21-28.
[2] Nous avons le parallèle de Mt 12, 1-8 en Mc 2, 23-28 et Lc 6, 1-5 qui n’apportent pas d’élément différent sauf qu’en Luc, les pharisiens s’adressent directement aux disciples et non à Jésus.
[3] Saint Grégoire le Grand, Homiliae in Evangelia, Homélie 15, § 6.
[4] Jean-Paul II, Lettre apostolique du pape Jean Paul II sur le dimanche : « Dies Domini », Rome, 7 juillet 1998, n° 18.
[5] I. L’homme à l’esprit impur Mc, 1, 21 / Lc 4, 31 II. L’épisode des épis arrachés Mc 2, 23 / Mt 12, 1 / Lc 6, 1 III. L’homme à la main desséchée Mc 3, 1 / Mt 12, 10 / Lc 6, 6-11 IV. La femme courbée dix-huit ans Lc 13, 10 V. L’hydropique chez le pharisien Lc 14, 1-6. VI. Le paralytique de Bézatha Jn 5, 1-18 VII. Guérison de l’aveugle-né Jn 9, 1-41.
[6] Mc 2, 23-28.
[7] Homélie s’inspire très largement du livre de Jean-François Froger, Le Maître du Shabbat, Ed. Grégorienne, 2009, p. 62-73.

Question Réponse : Comment comprendre le don de l’Esprit Saint ?

Jean-François FROGER (octobre 2023)

Votre question : « Comment comprenez vous le don de l’Esprit Saint, quand les apôtres, « remplis du Saint-Esprit, se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer ». Et quel est le lien de ce don avec les langues de feu, qui se posèrent sur chacun d’eux ? »

C’est bien difficile d’expliquer cette scène du jour de la Pentecôte à Jérusalem où les Onze apôtres viennent de tirer au sort pour remplacer Judas. Le collège des apôtres est de nouveau complet pour le jour de shavouot, la fête des semaines, où l’on célébrait la mémoire du don de la Torah à Moïse sur le mont Sinaï. 

Ce don de la Torah est le jour de naissance du Peuple d’Israël, car il n’y a de peuple qu’avec une loi et un donateur de la loi. Aussi le peuple d’Israël reçoit sa loi de Dieu même et devient ainsi son royaume. A la différence des Nations qui se donnent leur propre loi, au nom d’un roi, d’un empereur ou maintenant d’une caste dominante (la « majorité » plus ou moins fabriquée par les puissants). Evidemment, Israël sera infidèle tout au long de son histoire, en voulant un roi comme les nations etc.…Mais ce peuple portait la prophétie dont on voit la réalisation en ce jour de Pentecôte. 

En effet, ce n’est pas simplement la mémoire du don de la Torah mais l’institution du Peuple de Dieu, non plus selon la figure prophétique du peuple d’Israël, mais selon sa réalisation à travers toutes les nations. C’est pourquoi le signe est donné d’un langage que chacun entend dans sa langue ; dans toutes les langues du monde connu présent, portées précisément par les juifs pieux assemblés pour Pentecôte. « Ils se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait de prononcer ».

Il s’agit des signes donnés à comprendre (c’est à dire un langage) que le donateur de la Torah était le Saint Esprit et que cet enseignement divin devait maintenant atteindre toutes les nations, en composant un nouveau peuple dont les douze apôtres figuraient l’essence même des douze tribus d’Israël. La chose va être extrêmement difficile à comprendre et à mettre en œuvre, c’est tout le sens des Actes des apôtres et la grande mission de Shaoul /Paul. Comment ces douze hommes vont-ils pouvoir faire une telle révélation ? En comprenant de l’intérieur la Torah. C’est ce que Pierre commence à faire en citant le prophète Joël :  » Et il adviendra dans les derniers jours dit Dieu, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair… ». Et le signe que cela vient de se réaliser est précisément ce qu’ils ont expérimenté dans la maison où ils étaient réunis : » un bruit du ciel comme un violent coup de vent qui remplit toute la maison où ils étaient assis et des langues de feu qui se partageaient en se posant sur chacun d’eux ».

Alors les apôtres ne parlent plus de leur propre fonds « mais selon ce que l’Esprit leur donnait de prononcer ». Cela rappellece que Jésus disait très souvent de lui-mêmeà savoir qu’il ne parlait pas à partir de lui-même mais à partir de ce qu’il entendait du Père. Les langues de feu viennent se poser sur la tête des apôtres à partir d’une seule flamme, c’est la même en chacun, se divisant en autant de langues. Figure de la véritable unité de l’Église : l’unité de l’Esprit qui illumine toutes les intelligences dans la diversité de leurs expressions humaines.  Il ne s’agit pas de parler une seule langue comme à Babel avant sa destruction ! (Là il faudrait revoir ce récit dans la Genèse)

Pourquoi l’Esprit se manifeste-t-il par un violent coup de vent ? Parce que le vent est la figure symbolique de l’Esprit, comme l’explique Jésus. (en hébreu esprit et vent se disent par le même mot ruah) Dieu utilise les choses comme signes pour donner sa révélation. Aussi faut-il bien comprendre ce que symbolisent le vent, le feu, la flamme etc…

La surprise et la stupéfaction furent immenses ; comme le sera notre compréhension de ces mystères, si nous recevons le sens de ces événements !

Question Réponse : À propos de la pluralité des logiques.

Jean-François FROGER (septembre 2023)

Votre question : « Comment situez-vous les logiques ternaires et quaternaires dont vous parlez dans vos livres, par rapport à ce qui est expliqué ci-joint (pages 34 et suivantes de l’original et que je reproduis ci-dessous) ?

Ces logiques remettent-elles en question la logique qu’on peut appeler classique, ou bien viennent-elles seulement montrer que celle-ci peut recevoir des élaborations plus complexes ? »

« Le subjectivisme utilise une logique qui lui est propre. On a même dit, et trop répété, que cette logique nouvelle devait remplacer l’ancienne logique, dite « classique ». En fait, l’interprétation subjectiviste de la mé­canique ondulatoire impose l’usage d’une logique spéciale : c’est incontes­table. Est-ce là une raison pour affirmer que cette logique spéciale est la logique ?

Nous croyons au contraire que la logique qu’implique le subjec­tivisme plaide contre lui. Voyons tout d’abord rapidement pourquoi le sub­jectivisme a sa logique à lui. Il entend énoncer une prévision concernant des résultats qui, au moment où la prévision est faite, sont également pos­sibles, mais qui seront incompossibles ; tel est le cas des grandeurs incomposables. Dans ce cas, donc, la disjonction entre deux propositions corres­pondant aux grandeurs en question est une disjonction sans exclusion au moment de la prévision et une disjonction avec exclusion lorsque la mesure sera effectivement effectuée. Le calcul des prévisions se trouve astreint à conserver l’une et l’autre : l’exclusion en vertu de son contenu physique, la non exclusion en vertu de sa nature épistémologique. Par suite la logique attenante au calcul des prévisions se trouve elle-même astreinte à conserver pour la disjonction de deux propositions correspondant à des grandeurs incomposables, deux acceptions opposées : avec exclusion, sans exclusion. Ces deux acceptions, qui en logique classique s’excluent, en logique des prévisions ne s’excluent pas ; p v q peut signifier exclusion et non exclusion, non certes simultanément ce qui serait contradictoire, mais l’un ou l’autre  {34} 

Continuer la lecture de Question Réponse : À propos de la pluralité des logiques.

Transmission à Mulhouse

A Mulhouse, au sein de la paroisse des Portes de Mulhouse, Éric et Céline PORTAL transmettent l’enseignement reçu de Jean-François FROGER depuis de nombreuses années.

Voici le programme de l’année dernière :

1 – Introduction : Qu’est-ce que la Bible ? (Jeudi 8 septembre 2022)
2 – Découverte de nouveaux outils pour comprendre la Bible (Limites) (Jeudi 13 octobre 2022)
3 – Découverte de nouveaux outils pour comprendre la Bible (Cycle, Parabole du Semeur) (Jeudi 10 novembre 2022)
4 – Découverte de nouveaux outils pour comprendre la Bible (Cycle J/N et Création (1er chapitre de la Genèse) (Jeudi 8 décembre 2022)
5 – Le symbolisme dans l’Ecriture Sainte (Jeudi 12 janvier 2023)
6 – Le temple de Jérusalem (Jeudi 9 février 2023)
7 – La Création (1ère phrase de la Genèse) (Jeudi 9 mars 2023)
8 – Les arbres du Jardin d’Eden (Jeudi 13 avril 2023)
9 – La notion du temps dans la Bible (Jeudi 11 mai 2023)
10 – Récapitulatif de la saison (Jeudi 8 juin 2023)

Retrouvez nous au 10, rue Magenta à Mulhouse le deuxième jeudi de chaque mois, à 19h15.